Gilbert Bastelica

Batteur des Chaussettes Noires

Un passionné de Musique...

 

Avant le départ de Jean Pierre Chichportich, comment as-tu été présenté aux « Chaussettes Noires » ?

Par Jean Pierre Chichportich lui-même, j’avais fait sa connaissance quelques mois auparavant.
Nous prenions tous les deux des cours de batterie chez le même prof, rue La Fayette tout simplement.

Jean Pierre m’a parlé du groupe qui se formait et de son prochain départ sous les drapeaux.

Ensuite j’ai passé avec deux autres candidats, une audition chez Barclay au studio de l’avenue Hoche, et c’est moi qui ai gagné le concours. Na !

 

As-tu une anecdote à nous raconter sur la période « Chaussettes Noires » ?

 

Pendant l’été 1961, nous donnions beaucoup de galas (à cette époque seuls les artistes classiques utilisaient
le terme « concert ») en marge d’un contrat quotidien au Vieux Colombier de Juan les Pins.

 

Un soir pendant un de ces galas, je me souviens que, de la scène, nous entendions des bruits très forts et impossibles à identifier qui venaient de la direction du public.
L’éclairage ne faisait pas dans la dentelle et nous étions complètement éblouis, tout à fait incapable de nous rendre compte de ce qui se passait.
Les chansons s’enchaînèrent malgré tout jusqu’à la fin.

 

A la fin de notre joyeuse prestation, l’éclairage dirigé vers le parterre mit fin à nos interrogations.
Un immense tas de chaises pliantes en métal (comme ceux des jardins publics à cette époque) occupait une bonne partie de la surface devant la scène et s’élevait à quelque trois mètres en hauteur !
Il y en avait des centaines, peut-être plus d’un millier que les spectateurs avaient jetés pendant toute la durée de notre passage.

C’était ça, le bruit !


Eddy, Aldo, Tony, William et Gilbert

 

Il y avait le clan des « Chaussettes Noires » et celui des « Chats Sauvages », sur scène comment cela se passait lorsque les groupes se croisait ?

 

Je n’ai pas le souvenir d’une sérieuse rivalité avec les Chats et de toute façon, nous étions les uns et les autres suffisamment occupés par les galas qui s’enchaînaient aux séances de studio pour que nous puissions trouver le temps de nous disputer.

 

Je crois aussi que personne ne faisait d’ombre à personne à cette époque, les artistes étaient peu nombreux et le public attendait avec impatience les nouvelles parutions.

 

La demande était plus forte que ce que nous pouvions offrir.

Quel est ton meilleur souvenir avec Eddy sachant que tu as joué pour lui jusqu’au début des années 70 ?

Mes meilleurs souvenirs avec Eddy sont d’ordre privé et je n’en parlerai pas.

 

Sur le plan professionnel, c’est peut-être l’Olympia en 1969 qui m’a le plus apporté de bonheur.

 
Il est vrai que pendant ces représentations, j’ai vécu une situation à faire rêver tous les batteurs : j’étais perché sur une estrade à deux mètres du sol avec, devant et autour de moi, l’orchestre de scène d’Eddy : « Les Souls Brass » dont je faisais partie et, derrière moi, le grand orchestre de l’Olympia (dont on avait retiré la batterie et la basse pour éviter des interférences rythmiques) dirigé par Yvan Julien, qui avait également écrit les arrangements.
Le bonheur !


Johnny Hallyday et Michel Polnareff à Hérouville ...

 

Peux-tu nous raconter comment s’est passé la session d’enregistrement à Hérouville pour l’album « Rock ‘n’ Roll » avec la présence de Michel Polnareff et Johnny Hallyday et quel souvenir gardes-tu de cet évènement ?

 

De deux choses l’une : ou ma mémoire me joue des tours (ce qui est possible à mon grand âge) ou vous faites erreur, car je n’ai aucun souvenir de la présence à Hérouville de Michel Polnareff, ni de Johnny Hallyday !

 
Ou alors peut-être étaient-ils venus simplement faire la fête avec nous un soir, mais vraiment je ne m’en souviens pas.
Aurions-nous abusé ce soir-là des boissons fortes ?

 

Je me souviens très bien par contre d’un début de tournée avec Michel Polnareff et Eddy en co-vedettes, et d’avoir rencontré pas mal de fois le père Johnny, mais pas à Hérouville.


Hérouville

Peux-tu résumer ton parcours musical de "l'après Eddy Mitchell" ?

 

C’est un peu compliqué et je ne suis pas très fort en résumé mais je vais essayer.

 

Disons que j’ai joué avec pas mal d’orchestres d’un assez bon niveau en général et ce dans des casinos, boites de nuit, dancing, bals populaires, grands hôtels, soirées huppées (ou non), fêtes de toutes sortes, disons pour résumer : il fallait jouer de la musique pour faire danser !

 

C’est sans doute moins glorieux que d’accompagner des chanteurs, mais en réalité j’ai toujours aimé sentir toute une foule de danseurs qui s’éclataient sur la pulsation que j’assurais. J’ai eu, là aussi, beaucoup de bonheurs musicaux et l’occasion de faire des rencontres formidables.
Le show-biz n’est que la partie émergée de l’iceberg.

 

Ensuite j’ai fait des études à l’université de Pau pour devenir intervenant en milieu scolaire et avoir le bagage nécessaire pour diriger des ensembles vocaux : c’est ce que je fais encore actuellement.

 

As-tu encore des contacts avec Eddy ?

 

Oui, quelques-uns. Nous échangeons de temps en temps un petit courrier sympathique.

 

Quand il se produit dans ma région, deux invitations m’attendent toujours au contrôle et ils nous arrivent de passer après le concert un agréable moment à bavarder.
Nous avons aussi partagé un bon repas avec Eddy, Michel Gaucher et Pierre Papadiamandis, lors d’un de mes passages à Paris.

 

As-tu joué pour d’autres Artistes de la chanson ?

 

Un bref passage chez Claude François (quel sale caractère !), un autre avec Yves Lecocq et aussi la chanteuse Dany, et Gérard Palaprat.

Voilà pour les gens connus.

 

Bien d’autres rencontres et collaborations avec de nombreux bons chanteurs et excellents musiciens que la célébrité a épargnés.

 

Un très bon souvenir personnel : celui d’avoir joué sur le paquebot France pendant quelques mois.
Quelques escales à New-York, aux Bahamas, aux Antilles…

 

 

A quel âge as-tu commencé à jouer de la batterie ?

 

Assez tardivement : à 15 ans.

 

Quel sont tes influences musicales ?

 

Pour ce qui est de la batterie, j’ai été très influencé par les batteurs de jazz parmi lesquels Kenny Clarke que j’allais écouter le plus souvent possible au Blue Note, Max Roach, Roy Haynes et tant d’autres.

 
Mais je n’écoutais pas que les batteurs. C’est la musique en général qui m’intéressait (et qui m’intéresse encore).
J’ai souvent acheté des disques pour écouter davantage Gerry Mulligan, John Coltrane, Miles Davis que le batteur qui jouait avec eux.

 

J’écoutais aussi Paul Anka, Elvis et Cochran.

 

Aujourd’hui, mon horizon s’est élargi et continue de s’élargir. Je suis curieux de tout.
Je m’intéresse aux musiques médiévales, à des enregistrements de tribus africaines ou amazoniennes, à la musique contemporaine (Stravinsky, Debussy, Pierre Boulez, Stockhausen, Luciano Bério et tant d’autres) et bien sûr les grands classiques : Bach, Mozart, Beethoven, Wagner, Schubert, Monteverdi, Janequin, Josquin des Prés… enfin tout quoi, y compris les musiques traditionnelles du Japon, de l’Indonésie…

 

c’est vrai qu’avec tout ça je ne suis plus très au courant de ce qui se fait dans le domaine du rock ou de la chanson et je me perds un peu dans les classifications de plus en plus complexes souvent utilisées par des gens qui parlent de musique et rarement par ceux qui en font.

 

Aujourd’hui quelles sont tes passions ?

 

La musique toujours, mais sous une autre forme.

 

J’aime conquérir, devenir capable de faire des choses nouvelles pour moi. A la batterie, j’ai atteint il a longtemps ce que je pouvais faire de mieux et je suis pas très motivé par la simple perspective de maintenir un niveau.

 

Ce n’est peut-être qu’une étape, mais pour l’instant, la batterie se repose…

 

Non, ce que j’aime c’est progresser. Alors je me tourne vers des domaines dans lesquels je sais que je peux encore faire mieux, beaucoup mieux :diriger des chorales est ma plus grande passion professionnelle aujourd’hui.

 

Faire chanter à des amateurs (dont la plupart ne lisent pas une note de musique) des œuvres qu’ils croyaient inaccessibles, un trio de Mozart par exemple en quelques répétitions : voilà mon bonheur !


Gilbert Bastelica 2005

Comment s’est passée ta rencontre avec le groupe de Rock ‘n’ Twist « Les Socquettes Blanches » ?

Tout ça c’est encore grâce à l’ami Bayoux !

 

J’ai tout de suite trouvé ces gars-là sympathiques, pas prétentieux et qui aimaient sincèrement faire ce qu’ils font, alors j’ai aimé partager ça avec eux.

 

Que ressens-tu, lorsque tu joues avec « Les Socquettes Blanches » ?

 

Beaucoup de plaisir et aussi un brin de nostalgie, mais une nostalgie souriante.

En tous cas, aucun regret pour le passé et aucun désir de s’y complaire.

 

Artistiquement et  humainement, que penses-tu des membres de ce groupe ?

 

On dirait les vrais ! Et en plus, ils ont tellement intégré le style et le son qu’ils peuvent maintenant se payer le luxe de « faire du Chaussettes Noires » avec des titres à eux !

Et humainement, je l’ai déjà dit plus haut, on a bien accroché.

 

Je connais maintenant Daniel Delannoy mieux que les autres car il a eu la gentillesse de m’héberger plusieurs fois quand je suis passé par Paris.

Maintenant je te laisse le dernier mot, as-tu quelque chose à dire au visiteur de Mitchell-City ?

Vivez la vie !

Et si vous aimez visiter le passé, utilisez-le pour mieux rebondir vers l’avenir !

Merci Gilbert pour tes réponses,

Pascal pour Mitchell-City

(Questions posées le 17/08/2008)

 

 


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Aout 2008

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