Rue de Belleville 1950 - 1970

Retour vers un quartier qui a beaucoup changé…

"Je suis né dans le dix-neuvième
Un arrondissement de Paris
Pas comme les autres
Presque maudit..."

Edith Piaf, Odette Laure, Michel Serrault, Guy Marchand et Eddy Mitchell sont nés ou ont usé leurs fonds de culottes dans ce quartier-village… Belleville rue Parisienne et frontalière entre le 19ème et 20ème arrondissement.

Eddy a grandi avec sa sœur Gisèle et son frère Pierre, au troisième étage d'un HLM du 9 Bd d’Algérie dans le 19ème Arrondissement, pas très loin du square des buttes du Chapeau Rouge et en face des fortifs.

"Il continue son chemin, piquant devant l’étalage du Cours des halles une pomme farineuse invendable. Sa glande l’emmène tout naturellement vers l’entrée du square des buttes du Chapeau Rouge. Il balance le fruit sur un flic à vélo..."
(Voir P'tit Claude d'Eddy Mitchell)

"J’viens d’fumer ma tout’ première Week-end
Sur les fortifs où t’aimes pas qu’j’traîne
J’me serais tué plutôt que d’refuser…"

Les fortifications étaient construites pour protéger Paris de l’invasion Prussienne de 1870.
La Porte du Pré-St Gervais et les fortifs (M'man), la frontière entre Paris et la banlieue, avec ses Gitans, clochards, filles faciles, une sorte de terrain vague où les jeunes se retrouvaient en bande, d'autres faisaient de la moto ou du cyclo-cross sur les buttes et les talus de glaise près de l’église Marie-Médiatrice.

Bd Sérurier, la Porte du Pré-St Gervais

Petite anecdote sur l’église Marie-Médiatrice (Fait rapporté par Daniel Delannoy), lors de sa construction (en 1954) le jeune curé de 24 ans, harcelé par un maçon qui lui faisait des "croa-croa" allusion aux corbeaux, lui a demandé de descendre de l'échafaudage pour s'expliquer.
Le type l'a fait et n'est pas remonté sur l'échafaudage le jour même suite à une trempe monstrueuse que le curé lui a donné ! Un Curé Rockers certainement celui-là !

Dans ce petit quartier de "classe ouvrière", tout le monde se connaissait, la preuve, pour anecdote, Guy Marchand habitait à quelques rues de chez Eddy, Mme Lucienne Moine (mère d’Eddy) avait pour habitude de snober Mme Marchand (mère de Guy), du style :

« Vous avez vu mon fils, il est encore disque d’or » disait-elle en passant avec son filet à provisions.
Un jour alors que les deux mères de famille étaient en train de faire leurs provisions, Mme Marchand dit à Mme Moine
« Vous savez ce qu’il fait le petit Guy ? »
« Non », répond Mme Moine,
« et bien il tourne avec Bardot, au revoir Madame ! ».
De retour dans le foyer, Mme Moine s’adresse à Eddy et lui dit « Et toi, tu fais quoi ! Tu ne tournes pas avec Bardot ! Alors j’ai l’air de quoi ? »

Photo prise début des années 60, angle Mouzaïa et Bld Sérurier
avec le groupement d'immeuble d'Eddy ou du p'tit Claude, avec le Goulet Turpin...

 

Daniel, voisin d'Eddy…
(Daniel Delannoy, chanteur des Socquettes Blanches)

« J'habitais dans l'immeuble voisin d'un nommé Claude Moine (à l'époque) et dans notre quartier, nous n'étions pas peu fiers quand il est devenu Eddy Mitchell au sein des Chaussettes Noires.
Mon fief était plutôt la place des Fêtes que Ménilmontant (malgré les quelques copains qui habitaient les HLM du 140), et j'ai vécu intensément cette période ou Rock and Roll rimait avec prospérité.
Le patronage de l'Eglise de Belleville nous permettait de répéter avec le groupe de Rock que j'avais formé à cette époque comme des milliers d'autres ailleurs en France.

Le patronage de l'Eglise St François d'Assise.
14 mars 1966, Daniel Delannoy le jour de ses 17 ans et déjà chanteur d'un groupe

Photo prise depuis la Place des Fêtes en 1960, montre l'angle de la rue du pré St Gervais et de la rue des Bois.
Plus rien n'existe de tout ça et au premier plan à gauche, le mur de l'école communale ou Daniel Delannoy a passé 1963 son certif !

Quartier Belleville, 1969

Rue Vilin / rue Piat. 1959 de Willy Ronis

Dans ce "haut" coin de Paris, nous retrouvons la porte des Lilas, son cinéma et la piscine des Tourelles, la rue de Belleville, est la limite
entre le 19ème (côté impair) et le 20ème (côté pair), populaire avec ses petits commerces, cours des halles...

Métro Porte des Lilas

Eddy, place des Fêtes... après la rénovation...

 

"Station Opéra
Direction Lilas..."

La rue Haxo et son patronage, la rue du Télégraphe (la montagne de Paris), en 1793 Claude Chappe à envoyer le premier message télégraphique depuis Saint-Martin-du-Tertre (Val d'Oise) jusqu'à Belleville.
La place des Fêtes (Nashville ou Belleville), la rue Petitot et les bains-douches, près de la rue des solitaires (La dernière séance).
La rue de Pixérécourt située entre Belleville et Ménilmontant, la rue des Rigoles et ses petits jardins.

Les bains-douches de p'tit Claude rue Petitot et la plaque de la rue des Solitaires

"J’allais rue des solitaires
A l’école de mon quartier…"
 

 

Belleville rue frontalière entre le 19èmeet 20ème arrondissement

 

Château d'eau de la rue du Télégraphe

Point "haut" de Paris.
Cette rue se trouve à 128,508 mètres

 

1960, Métro, Angle Pyrénées, Belleville, Simon Bolivar (photo Jean Demaret)

Le 18 Avril 1954, p'tit Claude a fait sa communion à l'église St François d'Assise, rue de la Mouzaïa (voir le petit Mitchell illustré).
L'avenue Simon Bolivar et la succursale de chaussure SAG (tiens, Lucienne, la maman d'Eddy a travaillé ici) qui employait beaucoup de gens du quartier, quelques pas plus loin le parc des Buttes Chaumont et ses boulistes.

St François d'Assise

P'tit Claude
bien avant
"Pas de Boogie Woogie"

Le parc des Buttes Chaumont

La rue des Pyrénées, qui traverse le 20ème arrondissement de Belleville en passant par Ménilmontant et la place Gambetta.
Les citées HLM du Bd d'Algérie, de la rue du Dr Potain, du Télégraphe, sans oublier, presque au coin Pelleport le 140 rue de Ménilmontant (20ème), une immense citée (surnommé le cent quart) de trente escaliers, six étages sans ascenseur où tous les genres d'individus étaient mélangés, des gens biens, des flics, des gangsters…

Rue de Ménilmontant et limmense citée situé au numéro 140

140 rue de Ménilmontant (1958)
vu sur la petite école et sur le square

 

le Ménil-Palace (1955), 38 rue de Ménilmontant

Entre le 19ème et le 20èmeet les quartiers ; Belleville, Flandre, Ménilmontant, Gambetta, il y avait une bonne trentaine de cinémas;
" l’Alcazar, l’Alhambra, l’Améric-Cinéma, le Bagnolet-Pathé, le Bellevue, le Chantilly, le Ciné-Palace, le Cocorico,
le Crimée, le Danube, L’Eden Jean-Jaurès, le Féerique-Pathé, le Floréal, le Florida, les Folies-Belleville, le Gambetta,
le Ferber, le Mambo
appelé aussi le Gambetta-Etoile, le Ménil-Palace, l’Olympic Jean-Jaurès, le Paradis, le Phénix,
le Provence
, le Pyrénées-Palace, la Renaissance, le Rialto-Flandres, le Riquet, le Secrétan-Palace, le Secrétan-Pathé,
le Séverine
, le Théâtre de Belleville, les Tourelles, le Zénith, le XXème siècle "

Rue du Jourdain
l'église St jean Baptiste

Eddy, rue de Belleville
le ciné "Folies-Belleville"

 

"Et Place des Fêtes, sur nos mobylettes
On singeait James Dean
Où sont mes racines
Nashville ou Belleville ?"

Les cinémas de Belleville

Avec son père Robert, P'tit Claude fréquentait les cinémas du quartier... Place des Fêtes, nous chaussons nos shoes direction Belleville...

"Je suis étonné
Le Belleville - Pathé est fermé
Et pourtant c’est mon cinéma préféré…"

Les Tourelles de la porte des Lilas, le Provence au 39 rue des Lilas. Près de l'hôpital Hérold, rue du Général Brunet au 49 nous retrouvons le Danube, ex-Théâtre qui a connu Sarah Bernard au début du siècle avant de devenir un Cinéma.

Le Féerique

Roland nous entraîne dans ses souvenirs…

Le Féerique était situé 146 rue Belleville juste avant l'église du Jourdain St jean Baptiste de Belleville, un peu plus bas à gauche
au 6 rue du Jourdain l'Alcazar.

 

Rue du Jourdain, le cinéma l’Alcazar se trouvait un peu plus haut à gauche

 

Le Florida

 

 

Le Florida, au 373 rue des Pyrénées à l'angle de la rue Levert, était un ancien ring de boxe qui avait pour particularité d'offrir différent prix d'entrée suivant le confort du siège, bancs, fauteuils, chaises avec ou sans coussins…

"Sur cette salle, Eddy en raconte encore à son sujet, car c'était le cinéma le moins cher et le plus pourri de tout le quartier! A tel point que pendant l'entracte, les gens rentraient avec leurs chiens pour les faire uriner à l'intérieur ! Eddy la raconte souvent celle-là ! " (voir p’tit Claude).

Passé la rue des Pyrénées, toujours rue de Belleville, se trouvait un dancing nommé "la taverne de Belleville", Edith Piaf voit le jour (1915) sur les marches du 72.

A ses débuts, pour les attractions, Charles Aznavour à chanter au Théâtre de Belleville, cette salle était au situé au 46 rue de Belleville, un cinéma assez pittoresque avec ses deux balcons dans la salle tout comme le Belleville-Pathé (C'est ok) situé plus bas à la droite au 23 de cette rue.

Le Théâtre de Belleville

 Le Cocorico, boulevard de Belleville

 

Le Belleville Pathé

La rue de Belleville et le Floréal

 

Folies Belleville

 

Il y avait au 42 le Paradis, sans oublier au 8 les Folies-Belleville ancien théâtre et Music-hall où Line Renaud a débuté en 1945.
En redescendant sur la droite avant le Boulevard de la villette il y avait au 13 le Floréal un cinéma plutôt familial, Boulevard de Belleville au 118 le Bellevue et au 128 le Cocorico un ciné animé par la jeunesse qui venait dans cette salle, un peu plus loin Boulevard de Ménilmontant le XXème siècle ce lieu était à l'origine un Music-Hall et des colonnes se trouvaient au milieu de la salle !

 

Ciné Bellevue 50 / 70

Eddy raconte...

« Mon père travaillait à la R.A.T.P. Tous les matins, il prenait son service très tôt, et, quand il rentrait, c’était pour aller au ciné. Nous, mon frère et moi, on avait droit de l’accompagner chaque Jeudi.

Tu parles d’une fête… on prenait le métro à la station Porte des Lilas et toujours, on descendait à Belleville.
Après Belleville, on ne connaissait plus et on n’avait pas envie de connaître.
Nos cinémas, ils étaient tous là… Une bonne quinzaine…On se payait tout, avalait tout, y compris « mon frangin du Sénégal » quand il n’y avait rien d’autre au programme ! ».

Eddy "métro Belleville"

« Dans le quartier de la place des Fêtes, il y avait des bouquinistes, des vendeurs de chansons et de partitions, les bains-douches...
Le Florida, il y avait au milieu du cinéma un arbre, un énorme chêne, à croire que l’immeuble avait été construit autour, on ne voyait que le tronc !
Il y avait des personnes qui allaient au cinéma avec leurs chiens, c’était pratique, cela permettait d’assister aux projections en laissant pisser son chien…».

"Eddy devant le Ciné Bellevue"

Témoignage d’Isaac...

« Le Florida était près des escaliers de la rue Levert, j'allais à l'école primaire en bas des marches !
Près du "140 Ménilmontant" à la place du supermarché, angle Pyrénées Ménilmontant il y avait le cinéma Pyrénées palace.

Le 14 juillet, était un événement, sur la place du Jourdain un ring était monté et des combats de boxe s'y déroulaient chaque année, souvent un certain Jacques Dumesnil, ex champion de France s'y produisait étant issu du quartier, les autres boxeurs faisaient partis de l'écurie de Mr Sirvain situé rue de Belleville en montant après l'église St Jean Baptiste.

Il existait aussi les pittoresques marchands de quatre saisons, des petites charrettes de commerces de bouche mobiles, qui encombraient la rue et l'animaient, disparus dés que la circulation automobile a augmenté.

Quant aux fortifs, c'est vrai que c'était un lieu de promenades et de jeux le jour et un lieu de rencontres pour les amoureux le soir. Sans compter les rendez-vous pour les règlements de compte sur les fortifs qui faisaient partis du folklore et j'en ai pris ma part étant assez bagarreur à cette époque, même le square de la place des Fêtes était témoin de ces bagarres ou les ennemis du jour devenaient les copains des lendemains.

Que dire de plus sinon regretter que ce quartier populaire soit devenu aussi cradingue maintenant, car j'y reviens de temps en temps…».

rue de Mouzaïa / villa Félix Faure

 

De nos jours le seul coin qui n'a pas changé ce sont les petites rues et les pavillons (et oui, en plein Paris) qui se trouve entre la place du Danube, rue de Mouzaïa, la rue de Crimée et la place des Fêtes.



Daniel, un gars du 19ème...

Interview de Daniel Delannoy chanteur des Socquettes Blanches

La nostalgie de votre enfance à Belleville revient telle souvent ?

Cela démarre très fort, car je traite le mot "Nostalgie" avec des pincettes ! Derrière ce mot, se cache presque toujours un sentiment de regret, de tristesse dans les propos de beaucoup de gens. Le regret est inutile dans ce genre de cas puisque ce qui a été ne sera jamais plus !

C’est peut être dur, mais c’est la réalité.

Alors pour ne pas faire trop long, je dirais que je garde des merveilleux souvenirs de mon enfance à Belleville, mais ils sont ailleurs et font partie d’un petit jardin secret qui est dans mon coeur et il me suffit de fermer les yeux pour y retourner.
Cela me suffit.

Pour le reste, je participe à faire vivre cette musique qui a bercé ma jeunesse.
La nostalgie n’a pas sa place dans quelque chose de vivant !

1953, Daniel au square des buttes du Chapeau Rouge. Celui d'Eddy également !

Que pensez-vous du nouveau Belleville ?

Une bonne partie de la rue de Belleville et de ses alentours a été épargné Dieu merci ! Mais pour la soi-disante rénovation, c'est un désastre !

Au point que les gens qui ont fabriqué cet environnement devaient être condamnés à tout remettre en état.
A elle seule, La Place des Fêtes est un exemple d’imbécillité, d’incompétence et de cupidité!

L’ambiance sur les fortifs, c’était comment ?
(Entre les bandes de Belleville, Télégraphe et Ménilmontant…)

C’était le "square du pauvre", le rendez-vous à toutes les activités, et toutes les rencontres.

Les jours tranquilles, on y jouait au Foot, les autres on y flirtait sous les regards des petites marguerites sauvages qui y poussaient tant bien que mal.

Mais l’endroit restait destiné à la baston entre bandes ou à titre individuel ! Je me souviens avoir pratiqué ce "sport" pour un petit rien ou n’importe quoi.

Les affrontements entre bandes rivales étaient fréquents, mais on devenait potes  3 jours plus tard et on se liguait contre une 3 ème bande rien que pour cimenter une "amitié" naissante!

Comment et où avez-vous rencontré Claude Moine (avant les chaussettes) ?

Claude vivait dans ce quartier depuis toujours et c’était un garçon discret et poli.
Nous le croisions comme tout à chacun et il avait quelques copains plus en phase avec son âge bien évidemment.

Nous avons découvert que Claude Moine était devenu Eddy Mitchell le jour où il est apparu à la télévision avec les Chaussettes Noires.

Vraiment discret ce garçon !

Comment c’est passé votre première rencontre avec Eddy Mitchell (chanteur) ?

Très simplement: Presqu'à chaque 45 Tours qui sortait, nous montions chez lui, ou plutôt chez ses parents pour lui faire dédicacer.

Quelquefois nous repartions penauds car il était déjà reparti à peine arriver.
Mais à chaque fois qu’il était là, il nous recevait avec beaucoup de gentillesse.

En 1963, nous avions eu vent de son intention de quitter le groupe bien avant que la presse ne le sache. Hé oui, ce quartier était un village !
Alors je l’ai interpellé dans la rue pour savoir si cela était vrai ou pas. Il n’a pas vraiment répondu à ma question, mais il avait en face de lui un môme de 14 ans, et à ce jour, je me demande bien ce qu’il aurait pu m’expliquer.

Daniel devant l'immeuble de p'tit Claude (avec une "plaque" réalisé avec truquage !)

Votre meilleur souvenir avec Eddy ?

Souvenir ne serait pas le mot exact, image plutôt: En 1962, Les Chaussettes Noires sont venus chercher Eddy dans une superbe bagnole.
On ne voyait pas leurs têtes, mais ils avaient enlevé leurs Chaussures et laissaient dépasser les Chaussettes (Noires bien sûr) par les vitres ouvertes. Lorsqu’Eddy s’est approché de la voiture, pas mal de gens des deux immeubles 7 et 9 Boulevard d'Algérie ont applaudis et crié bravo !
Je suis arrivé au moment où la voiture partait, cette image m’a frappé comme une photo.

Merci Daniel pour vos réponses,

(Questions posées le 16/11/2004)

Pour la suite, voir la rubrique interview Les Socquettes Blanches

Les Socquettes blanches au Jazz club le Méridien à Paris

Page conçue par P & R. Caseau
Novembre 2004

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