L’HISTOIRE DU ROCK’N’ROLL
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- Pour la majorité des fans d’Elvis, le 6 juillet
1954 est vraiment considéré comme la date fondatrice du
Rock’n’roll. Mais pour les historiens de la musique, cette musique
existait bien avant lui.
Nous allons voir
comment :
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Le Blues, la Country
et le Gospel constituent le code génétique du Rock’n’roll
I –
Cette musique, elle vient du Blues
A – Les origines
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- Le
Blues naît au cours du XVIIIe siècle
dans le Sud des Etats-Unis, exactement dans « le delta », ce
triangle qui englobe une partie de la Louisiane, du Mississipi et du
Tennessee, de l’Alabama et de l’Arkansas. Il naît dans ces plantations
où les esclaves noirs qu’on a fait venir d’Afrique, enchaînés les uns
aux autres, récoltent le coton sous un soleil torride de l’aube à la
tombée de la nuit. C’est à travers des chants
a cappella que ces travailleurs se donnent du courage en
exprimant leur douleur, leurs peurs, leur angoisse et leur désespoir.
Ces déracinés n’ont alors pas d’autre choix que de s’intégrer dans la
communauté blanche pour tenter d’en exploiter tous les ressorts.
- A
la fin du XVIIIe siècle, les
« maîtres blancs » décident de l’évangélisation de ces
esclaves en leur permettant d’assister aux offices religieux.
Les cantiques blancs qu’on leurs inculquent se transforment très vite
en chants tirés de leurs traditions ancestrales.
Naît alors le « Negro spiritual »
- A
partir de 1880, après la guerre de
Sécession, malgré leur défaite et l’abolition de l’esclavage, les
Sudistes promulguent des lois ségrégationnistes interdisant tout droit
politique et civique aux Noirs. C’est alors que le ton de la musique
noire change. De plaintive et soumise, elle devient contestataire. Les
chants se transforment en blues agressifs.
- Vers
1910, on assiste à une première vague
d’immigration. Deux millions de Noirs quittent le Sud pour les cités
industrielles du Nord. Première étape : Memphis dans le
Tennessee, ville portuaire sur le fleuve Mississipi où les anciens
ramasseurs de coton se retrouvent chargés de débarquer les balles de
coton des immenses cargos. Cette nouvelle population se concentre dans
le quartier populaire situé autour de Beale
Street.
D’autres continuent leur migration vers le Nord, principalement
à Saint Louis, Chicago et Détroit où l’on a besoin de
main-d’œuvre bon marché dans l’industrie de l’automobile.
D’autres encore partent vers l’Est (Alabama Floride, Caroline,
Virginie), l’Ouest (Texas) et plus tard en Californie.
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B – Le Blues
proprement dit
C’est réellement à Memphis que le blues éclot, se
façonne, se structure, s’organise.
C’est ce qu’on appellera plus tard le Rhythm’n’blues sur lequel dansent les
Noirs après leur dure journée de labeur.
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·
Charlie Patton
Alors qu’il erre dans le delta durant vingt années,
il rencontre des musiciens qui l’initient au Blues, un Blues qu’il
transcende grâce à un style très particulier : il utilise une lame de
couteau qu’il glisse sur les cordes de sa guitare pour en obtenir un son
plaintif, il joue de son instrument en le plaçant derrière sa tête ou entre
ses jambes (Chuck Berry, Jimi Hendrix, Keith Richards n’ont-ils rien
inventé ?).
Il est le premier à enregistrer un disque pour
le label Paramount en 1929.
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Il
est considéré comme le père fondateur du Blues
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·
Robert Johnson
A 16
ans, alors qu’il obtient sa première guitare, il est initié par les vieux
bluesmen de Robinsonville. Perturbé par les
conditions de vie très aléatoires que lui inculque sa mère, il quitte très
tôt la maison pour s’en aller seul sur les routes où il finit par
rencontrer le fameux Charlie Patton ainsi que Son
House.
Ce copain d’infortune prétend avoir été initié au Blues par le diable
rencontré au bord d’une route.
Le Blues acquiert très vite cette réputation sulfureuse. Si on y ajoute les
femmes et le whisky, tous les ingrédients sont réunis pour expliquer
comment et pourquoi cette « musique de nègre » a été dénoncée et
combattue par la communauté blanche du Sud et surtout par l’Eglise.
Comme la plupart des bluesmen, Robert Johnson ne connaît pas les notes de
musique.
En revanche, il est capable de construire des accords aussi sophistiqués
que ceux que l’on rencontre dans le Jazz. Sa main droite joue en picking
et sa main gauche assure en même temps la ligne de basse et la mélodie.
Autrement dit, il joue comme deux guitares à la fois.
En 1929, il enregistre 28 chansons qui
tombent dans l’oubli jusque dans les années 60 où Clapton et les Rolling
Stones revisitent son répertoire : Crossroad
blues, Love in vain, Sweet
home Chicago, etc…
Après une vie d’errance durant laquelle il courtise nombre de femmes,
syphilitique, alcoolique, suite à une agonie de trois jours, il meurt à
l’âge de 37 ans (un 16 août comme Elvis). Il est le personnage légendaire
le plus emblématique de la Blues music.
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Robert Johnson
est le père du Blues moderne
Clarksdale (Mississippi), The Crossroads
hommage à Robert Johnson
C – Le Gospel
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- Pendant ce temps, les Negro spirituals ont une
influence certaine sur la musique américaine (sur le Blues, le Rhythm’n’bluesmais aussi sur le Jazz
traditionnel).
Ils finissent par influencer les offices religieux où les blancs
adoptent des chants rythmés. (Elvis comme Johnny Cash en sont
grandement imprégnés).
Le seul vrai dénominateur commun aux deux communautés ne serait-il pas
Dieu ?
Bluesmen comme countrymen n’en finissent pas
de faire appel à lui.
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D – Les prémices du Rock’n’roll
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- 1) - Dès 1930, les
orchestres de Blues typiques, composés jusqu’alors d’un washboard, d’un piano, d’une contrebasse et d’une guitare
sèche, cèdent la place à des formations modernes : batterie,
piano, contrebasse, guitare électrique et surtout harmonica. Ce son
nouveau personnalise le style du « Chicago Blues ».
De nombreux musiciens noirs sudistes rejoignent alors les studios Chess
de Chicago : Muddy Waters est considéré comme le roi du
Chicago Blues, suivi par Buddy Guy
et bien d’autres.
Au Texas, Leadbelly et Blind Lemon inventent un nouveau style
caractérisé par un jeu de guitare en arpèges.
En Californie, le Blues subit l’influence du Swing blanc où le piano
domine.
C’est ainsi que John Lee Hooker
joue régulièrement avec des musiciens blancs et flirte en permanence
avec le Rock’n’roll.
Pendant ce temps, à Memphis le Blues perdure avec son « roi »
BB King.
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- Louis Jordan
C’est lui qui crée la passerelle entre le Blues et le Rock’n’roll avec le Jump Blues.
Autant le Blues traditionnel est désespéré, autant celui de Louis
Jordan est joyeux, rythmé et dansant. Son fameux Choo choo boogie enregistré
à la fin des années 40 est
incontestablement annonciateur du Rock’n’roll.
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Il est
l’initiateur du Rythm’n’blues moderne.
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Pourtant l’expression « Rock’n’roll » n’apparaît pas dans
les médias car elle est essentiellement utilisée par la communauté noire.
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- En anglais, « To rock » signifie
littéralement « balancer et bercer ». « To roll »
veut dire « rouler » mais peut évoquer aussi l’acte de
laminer.
Cette expression prend très vite une connotation sexuelle parce que
les pas de danse des Noirs, le soir dans les honky
tonks sur du Rhythm’n’blues évoquent la
gestuelle de l’amour : déhanchement
d’avant en arrière, jeu suggestif du bassin, rapprochement puis
éloignement du contact, propulsion en hauteur et affaissement des
genoux, enroulement autour de l’autre, enlacement, sautillement…
Bref, quelque chose qui s’éloigne complètement de la rigidité austère
de la valse ou du quadrille pratiqués par les Blancs.
Cette danse peut aussi s’appeler Boogie-Woogie,
Blues interprété essentiellement au piano. Elle voit le jour dans les
bas quartiers de la Nouvelle Orléans en Louisiane dans les années 30.
(Comme par hasard, Jerry Lee Lewis, l’un des pionniers du Rock’n’roll,
né en Louisiane, impose son style dans les années 55/56 en jouant du
Boogie-Woogie sur son piano.)
- 2) - De son côté, la musique country connaît une
évolution parallèle.
Naît alors le Hillbilly Boogie (ex :
Guitar Boogie d’Arthur Smith – 1945)
Dans les années 40, le Jazz blanc
s’inspire du Rhythm’n’blues pour imposer son Swing.
Et pour le danser, apparaît le Be-bop, forme « blanchisée » de Rhythm’n’blues.
Les
Blancs dansent le Be-bop, les Noirs dansent le Rock’n’roll.
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II – Les dates clés de « l’avant »
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- 1934 :
l’expression « rock’n’roll » est utilisée pour la première
fois dans une chanson interprétée par
The Boswell Sisters dans le film Transatlantic Merry-go-round.
- 1947 :
Good Rocking Tonight
de Roy Brown est du pur Rock'n’roll primitif.
- 1949 :
le disque de Fats Domino, The Fat Man donne déjà dans le rock.
- 10 avril 1951 : Bill Haley, accompagné des Saddlemen (les futurs Comets), enregistre Rock The Joint, une
chanson country très swinguée proche du tempo rock.
- Juin 1951 : Rocket 88, chanson composée par Ike Turner et
produite par Sam Phillips, devient n° 1 au Bilboard.
Pour certains, c’est le premier rock.
- Avril 1952 : Le mot « rock’n’roll » est imprimé
pour la première fois sur l’affiche d’un concert organisé par Alan Freed à Cleveland (Ohio), l’idée d’Alan Freed étant de programmer de la musique noire
pour un public blanc.
- 12 avril 1954 : Bill Haley & les Comets enregistrent Rock Around The Clock
qui passe inaperçu jusqu’à ce que cette chanson serve de bande
originale au film « Blackbord
Jungle » qui sort en 1955.
Rock Around The Clock,
enregistré trois mois avant qu’Elvis fasse son premier disque, est
devenu le disque le plus vendu de l’histoire.
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III – Le Rock’n’roll
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- - La communauté blanche commence
d’abord par utiliser le mot « rock » dans beaucoup de
chansons country rapides. Le mot « roll » n’apparaît
qu’après 1955.
- - Pour que la musique noire soit enfin
reconnue, il faut attendre la révolution du Rock qui trouve son
ferment dans sa rencontre avec la country music.
3.
- A la fin des années 55, constatant l’énorme engouement suscité par
cette nouvelle musique, les médias américains acceptent enfin et exploitent
le label « Rock’n’roll ».
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IV– Le Rockabilly
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- Dans les années 50, quand Elvis
Presley, Carl Perkins, Jerry Lee Lewis débutent, on parle de Rockabilly, contraction de Rock et de Hillbilly.
Ce qui fait du Rockabilly une musique si radicalement nouvelle, c’est
son âme qui flirte avec la folie. Bien qu’Elvis en soit l’avatar, il
n’est pas le seul. A Memphis et à travers le Sud, ils ont rendu la
Country music complètement dingue.
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Carl
Lee Perkins
Il naît le 9 avril
1932 d’une famille pauvre de métayers dans une ferme du Tennessee.
Il passe ses premières années avec ses deux frères dans une plantation où
ils sont les seuls métayers blancs. Ouvrier agricole puis boulanger, il
remporte en 1945 un concours local.
Fin 1953, il envoie des démos à diverses maisons de disques. En décembre
1954, il décroche un rendez-vous avec Sam Phillips de Sun Records d’où sort
en février 1955 un premier disque Movie
Magg écrite par lui-même (où il s’impose
comme guitariste de rock achevé), couplée avec Turn
Around un morceau country de stricte
obédience.
Il ne sort que sept 45T chez Sun dont le fameux Blue Suede
Shoes qui se classe parmi le top 10 des
hit-parades country, pop et R&B en 1956.
A l’instar d’Elvis, Carl puise aussi dans le répertoire noir comme avec Matchbox de 1956, reprise percutante de Matchbox Blues de Blind Lemon
Jefferson datant de 1927.
Carl Perkins est surtout un compositeur
de rock accompli, donnant le meilleur de lui-même.
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- Jerry Lee Lewis
Il naît le 29
septembre 1935 à Ferriday en Louisiane. Il
commence le piano en 1944, qui deviendra très vite le
« piano-mitraillette » de la musique de Jerry Lee.
A l’automne 1949, il est sollicité par le concessionnaire Ford pour
chanter lors d’une exposition pour présenter la nouvelle gamme de
voitures.
En s’accompagnant au piano pendant 20 minutes, il abasourdit la foule
avec son interprétation de Drinkin’Wine Spo-Dee-O-Dee, un double succès R&B de cette
année-là par Stick McGhee.
Les spectateurs le récompensent de 13 dollars et il décide aussitôt de
passer professionnel.
Mais auparavant il laisse tomber le collège pour s’inscrire au Southwestern Bible Institute dont les modes de vie
se caractérisent par : une vie saine, un langage châtié, des
vêtements modestes, une moralité irréprochable et une profonde
dévotion à la vie spirituelle.
Or, Jerry Lee est un prince de l’excès. En matière de boisson, de défonce, de bagarre, d’insultes, d’armes à feu et
de baise, il est le roi. Ainsi, il en est exclu après avoir donné,
dans l’église, une version incendiaire de My
God Is Real.
De retour à Ferriday, il se met à vendre des
aspirateurs au porte à porte.
Enfin, il obtient un travail régulier en 1952 comme batteur au sein
d’un trio emmené par Paul
Whitehead, un pianiste
aveugle.
Il se marie à 16 ans avec la fille d’un pasteur. Ce mariage ne dure
même pas un an.
C’est au début de 1956 que Jerry Lee arrive chez Sun Records à Memphis.
Sam Phillips, le propriétaire de Sun vient de vendre Elvis à RCA et
cherche un nouveau prodige. Elvis, le jeune Blanc qui chante comme un
Noir est perdu et voilà un jeune Blanc qui joue du piano comme un Noir
déchaîné.
Début 1957, il enregistre les deux plus gros succès de l’histoire de
Sun : Whole Lot Of Shakin’Going On qui prend à la fois la
première place des charts country et R&B (dans l’histoire de la
musique populaire, une seule autre personne s’est classée en tête sur
ces deux marchés : Elvis) et Great Balls
Of Fire.
Ce disque s’est vendu à 6 millions d’exemplaires à travers le monde.
Dans les émissions, il refuse de chanter en play-back. Jerry Lee
Lewis, est un puriste voire un primitif.
En 1958, il est au sommet de sa gloire.
De toutes les
créatures du rock’n’roll, c’est lui qui a projeté l’image la plus
infernale.
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- Pourtant, pour certains, il incarne la
lie de l’humanité. On le surnomme le Killer. Les curés prêchent contre
lui. Les mères sentent l’odeur de son ignoble présence dans les
sous-vêtements de leurs filles et les jeunes garçons imitent ses
mauvaises manières.
Il
joue alors un rôle régulateur à Memphis : grâce à lui, on commence à
accepter Elvis.
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- Durant toute sa carrière, Jerry Lee
exige de jouer en dernier dans tous les concerts.
(En 1958, Alan Freed insiste pour qu’il
précède Chuck Berry. Très contrarié par cette initiative, Jerry Lee
excite le public qui hurle contre la scène. Il asperge d’essence le
piano d’une main avec une bouteille tout juste sortie de la poche de
sa veste tandis que de l’autre il martèle Whole
Lot Shakin’Going On et il met le feu au
piano, ses mains galopant toujours sur les touches. En rejoignant les
coulisses, il se tourne vers Chuck Berry et lui dit très calme :
« Après ça, assure Négro »).
Jerry Lee Lewis est une créature d’essence mythique, un Dionysos
baptiste avec le feu sacré, feu alimenté par une culpabilité auto-destructrice.
Il est le cœur du Rock’n’roll et l’un des plus grands
chanteurs de country
« Je suis né les pieds devant et depuis lors, je fais du
rock » Jerry Lee Lewis
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V– Sam PHILLIPS et Sun Records
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- Né en 1923, Sam Phillips est un avocat raté. Son truc, ce n’est
pas le droit mais la musique. C’est la raison pour laquelle il
débarque en 1946 à Memphis, capitale du Blues où fourmillent les
groupes et chanteurs black talentueux qui ne parviennent pas à se
faire enregistrer. C’est donc dans ce créneau disponible que Sam
décide de s’investir.
Là, on commence à parler sérieusement de ce Sam Phillips, une
espèce de traître, un blasphémateur blanc, qui depuis son studio
d’enregistrement, les disques Sun, place des titres dans les charts
officiels en n’enregistrant que de la musique noire (Joe Hill Louis, Rosco Gordon, B.B.King…) et dont la réputation s’accroît courant 1951 quand il
produit Rocket 88 de Ike Turner et Jackie Brenston.
Sun débute donc en tant que label de Blues.
- Le premier disque country de Sun, Silver Bells , sort en
1953 alors que la mention « hillbilly »
figure en rouge sur l’étiquette jaune du label. Il est évident que
Phillips essaie d’arracher un son nouveau à ses sessions country. Il répéte sans arrêt que s’il pouvait mettre la main
sur un Blanc qui ait le feeling d’un Noir, il se ferait des millions.
- Suite à la découverte d’Elvis le 6
juillet 1954, débarquent dès 1955, dans les studios Sun, des dizaines
de chanteurs blancs ayant pris conscience que les choses sont en train
de changer : Carl Perkins, Johnny Cash, Roy Orbison, Jerry Lee Lewis etc…
- Il est un ingénieur du son talentueux,
un renifleur exceptionnel, un opportuniste.
Il est celui qui a produit les artistes qui ont créé le Rock’n’roll,
celui qui est considéré au milieu des années 50 comme le plus grand
découvreur de talents de la musique américaine.
Il
est le personnage clé du Rock’n’roll
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VI – Elvis PRESLEY
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Et Elvis dans tout ça ? Pourquoi ses fans
considèrent-ils le 6 juillet 1954 comme la date fondatrice du Rock’n’roll ?
Car, il faut le dire :
c’est
encore et toujours à Memphis que se popularise le Rock’n’roll
, une cinquantaine d’années après l’éclosion du Blues.
Voyons
comment le personnage d’Elvis Presley est incontournable.
- Le 8 janvier 1935, naît Elvis Aron Presley par une nuit très froide à
Tupelo (Tennessee) dans une baraque en planche étriquée fabriquée par
Vernon, son père.
Ici, vivent les parents d’Elvis, Gladys et Vernon, son grand-père
paternel alcoolique invétéré, sa grand-mère, son oncle et quatre de
ses tantes, autrement dit c’est « le ghetto ».
Suite à la mort, à sa naissance, de Jessie Garon,
le jumeau d’Elvis, et suite au miracle qui épargne la maison modeste
des Presley lors de la terrible tornade qui s’abat sur Tupelo, Gladys
se réfugie dans un mysticisme obsédant, rejoignant, son bébé sous le
bras, sa communauté religieuse où elle passe ses journées à prier et à
chanter des Gospels.
·
Dès
1937, elle confie son fils, la journée durant, à
la nurserie de son lieu de travail (ferme de filage de coton) où il
s’habitue au chant des ouvriers agricoles noirs.
De 1937 à
1944, Elvis passe ainsi de l’ambiance blues des champs de coton
à celle gospel des églises. C’est dans ces lieux qu’il observe et apprend
les pas de danses des prédicateurs noirs ou blancs.
Telles sont les deux premières sources d’inspiration de celui qui
révolutionnera bientôt la musique.
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- Le 8 janvier 1945, constatant sa passion pour la musique, Gladys offre une
guitare bon marché à son fils chéri.
Cette guitare ne le quittera plus jamais. Il restitue inlassablement
les accords qu’il apprend en regardant les vieux bluesmen dans la rue
ou les musiciens de Gospel dans les églises qu’il fréquente toujours
aux côtés de sa mère.
Il aime les danses de ces gens qui galvanisent l’assistance lors des
messes. Il acquiert un rythme parfait idéal pour le Rhythm’n’blues
donc pour le Rock.
- 1948 : la vie
est si misérable à Tupelo que le 12 septembre, on part vers le
Nord-Ouest pour aller tenter sa chance dans la grande ville distante
de 100 km, Memphis où le commerce du coton bat son plein...
Memphis : ville frontière entre la culture blanche et la culture
noire, ville maudite et sainte à la fois pour la communauté noire
puisque Martin Luther King y est assassiné en 1968.
Presque déraciné, Elvis s’installe dans un isolement tel qu’il passe
toutes ses soirées à écouter une nouvelle radio qui diffuse du
Rhythm’n’blues (Robert Johnson, Arthur Crudup, Muddy Watters), de la Country de qualité (Ernest Tubb, Jimmy Rodgers, Bill Monroe ou Hank Williams) et quelques Gospels, autant de musiques dont il se
nourrit et s’imprègne.
Seules, les émotions positives que lui apporte la musique l’aident à
survivre...
- Au cours de l’année 1949, il apprend le piano. Refusant d’apprendre le solfège,
il joue et chante à l’oreille et bénéficie d’une mémoire incroyable.
Il est capable de restituer un morceau intégralement après l’avoir
entendu deux ou trois fois.
- Beale Street : de cette rue suinte la musique.
C’est dans cette rue que bat le cœur de Memphis. Quand Elvis arpente
pour la première fois les trottoirs de Beale
Street, il reçoit un choc: cette rue lui ressemble. Chaque bar
laisse s’échapper le Blues et le Rhythm’n’blues.
Le magasin des frères Lansky devient vite
son paradis vestimentaire (vestes et chemises roses, rouges, jaunes,
pantalons noirs serrés aux chevilles et chaussures blanches ou
bicolores).
La cerise sur le gâteau : il copie la coupe de cheveux des
routiers (rouflaquettes et gomina).
Un fossé s’installe entre lui et les jeunes de son âge de la Humes
High School.
S’habillant comme un Noir, parlant comme un Noir, chantant comme un
Noir, il ne tarde pas à poser des problèmes à la communauté blanche.
Plus son entourage lui reproche sa « black attitude », plus
il se rapproche de ces Noirs persécutés et ségrégués dont il partage
les peurs, les angoisses, le Blues et l’amour de Dieu. Certes, il
n’oublie jamais ses racines et son appartenance à la culture de la
musique country, mais il refuse de considérer la musique noire comme
une musique de nègre, une musique du diable.
L’argent de poche gagné pendant les vacances scolaires grâce à des
petits boulots, lui permet d’assister aux concerts dans les bars de Beale Street. C’est là qu’il rencontre B.B.King (un virtuose qu’il ne se lasse pas
d’écouter et d’admirer) et Rufus Thomas qui vont profondément l’influencer.
- Pendant ce temps, les choses sont en
train de changer : En 1951, Bill Haley
& The Saddlemen provoquent un choc dans
la musique country avec Rock The Joint au tempo nettement plus
rapide que les airs classiques de la Country. La jeunesse commence à
fermement s’ennuyer. L’année 1952 on tient les germes d’une mini
révolution sociologique. L’heure est venue pour que le Rock’n’roll
prenne son envol
- Le 1er janvier 1953, Elvis a beaucoup de peine en apprenant la mort de Hank
Williams, le chantre de la musique country.
Après avoir obtenu son certificat de fin d’études, peiné de voir sa
famille s’enliser dans la misère, en juillet 1953, il tente d’obtenir
des petits cachets en chantant dans les clubs de la région afin
d’améliorer quelque peu les conditions de vie à la maison.
Grâce à son ami, J.D. Summer (celui qui sera plus tard la voix
basse de son chœur d’hommes, les Stamps), il a l’occasion d’assister en
coulisse à un concert des Blackwood Brothers
Quartet, un groupe de
chanteurs blancs de gospel qu’il admire beaucoup.
Après le show, il tente de se faire entendre auprès d’eux. Mais on le
trouve trop « black », trop vulgaire. On lui conseille
d’abandonner ce métier. Malgré cette désillusion, il s’accroche à
l’idée de devenir chanteur professionnel.
Il va jusqu’à franchir la porte des studios de Sam Phillips pour se
payer le luxe de graver, seul avec sa guitare, un disque acétate (My Happiness et
That’s When
Your Heartache Begins) contre 4 dollars. Pas satisfait du
tout de sa prestation, il sait qu’il n’a aucune chance de susciter
l’intérêt de Sam Phillips. Malgré tout, il rencontre Marion Keisker, son assistante.
Tout de suite intéressée par l’aspect particulier de ce jeune homme
très poli, voire timide, mais vêtu de façon extravagante qui lui
explique « je chante du hillbilly et
mon son ne ressemble à aucun autre », elle prend ses coordonnées
et note en commentaires : « bon chanteur de ballade, possède
le soul et peut produire un negro sound ».
Elle sait, elle, que souvent cette différence révèle les vraies stars.
- Début 1954, Elvis se fait
un nouveau copain en la personne de Dewey Phillips, un disc-jockey qui anime une station de radio locale en
passant beaucoup de musique black .
C’est une période où il fréquente souvent le Taylor Café où il vient
écouter l’orchestre de Jack Clément et son chanteur Johnny Burnette. Il lui arrive même de rejoindre de
temps en temps l’orchestre sur scène pour jouer un morceau ou deux
avec lui.
En février, Elvis signe un vrai contrat :10
dollars par soir pour chanter au Eagle’s Nest Ballroom. C’est
certainement là que l’inimitable jeu de scène d’Elvis prend vraiment
forme. Le public est électrisé. Elvis reçoit des félicitations. Marion
Keisker qui assiste à ce concert, fait le
siège de Sam Phillips qui prend son téléphone pour organiser la
rencontre de cet amateur avec deux professionnels de son studio, Scotty Moore, guitariste et Bill Black,
contrebassiste, un coup de téléphone qui va lui rapporter un paquet de
dollars.
Le jour où la musique bascule
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- En ce jour d’été, lundi 6 juillet 1954, à Memphis, il est en train de se
passer quelque chose qui va submerger toute la musique américaine.
Au 706 Union Avenue, dans le studio Sun Records, Sam Phillips
enregistre la session d’un jeune débutant du coin appelé Elvis Presley
(19 ans).
Sam Phillips, Elvis Presley, Scotty Moore et
Bill Black, réunis dans le petit studio sombre d’à peine 9 mètres sur
6, s’attaquent à That’s All Right
Mama d’Arthur
Crudup et Blue Moon of
Kentucky, chanson country de Bill Monroe. Peu à peu, la
sonorité s’élève.
Sort un son bizarre, physique, un style que l’on appellera un an plus
tard le Rockabilly.
Cette version
de Blue Moon of Kentucky est très assurée, osée jusqu’à friser
la folie et donne le vertige à Elvis. Le mélange culturel que Presley
réalise en adaptant à son goût ces deux morceaux, correspond tout à
fait à ce que Phillips recherche : cette synthèse des musiques
noires et blanches, rurales et citadines qu’il a en tête dès
l’origine.
Tout à coup un nouveau son, une nouvelle musique vient de naître ainsi
que son roi, le futur King Elvis Presley.
A ce moment précis, on lit dans
les yeux de Sam Phillips qu’Elvis Aron Presley est le plus grand chanteur
de Memphis et de l’univers.
Alors que les reprises de
chansons de Rytm’n’blues par Bill Haley tiennent
du mimétisme pur, celles d’Elvis sont créatives, sans restriction, aucune.
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- Le 7 juillet, Dewey Phillips diffuse pour la première fois That’s All Right Mamaà
la radio. A la demande des auditeurs, il doit le diffuser 14 fois
durant la soirée.
- Le premier single d’Elvis, That’s All Right couplé avec Blue
Moon of Kentucky sort le 19 juillet. Et Elvis connaît alors des succès grandissants. Le
studio Sun enregistre au total 15 titres d’Elvis accompagné de Scooty Moore et Bill Black. Deux batteurs
participent à ces sessions : le premier, Jimmy Lott, totalement inconnu et le second Johnny Bernero (D.J. Fontana n’interviendra que sur les
premières sessions réalisées chez RCA).
C’est à ce moment-là que le Rockabilly devient une réalité
tangible et Elvis son avatar.
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- Sam Phillips donne à Elvis Presley
l’occasion unique de se révéler. Le succès est immense.
Tournées et disques s’enchaînent à un rythme qui défie l’entendement.
- Mais comment donc Sam Phillips a-t-il pu revendre le contrat d’Elvis à RCA au
bout de 18 mois pour 35 000 dollars ? D’abord, parce qu’il avait
un crucial besoin d’argent. Ensuite, parce qu’il savait bien que ses
moyens seraient insuffisants pour l’immense vedette que devait devenir
Elvis.
Et enfin, c’est parce que Sam était un bon commerçant que le
Rock’n’roll a pris sans doute une telle ampleur.
Que serait advenu le Rock sans Elvis ?
Car, outre le fait qu’il a popularisé la musique noire,
il a entraîné dans son sillage une kyrielle de chanteurs blancs qui
n’avaient que la Country pour exister : Buddy Holly, Eddie Cochran, Gene Vincent, Ricky Nelson…
Page conçue par Hélène Millet-Barbé,
P.Caseau
le 12 Février 2007
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